La perception des entreprises quant au rendement de l’administration publique a été l’élément central de la rencontre-débat, organisée mercredi 5 décembre 2018 à l’hôtel Mövenpick Les Berges du Lac par le Centre des jeunes dirigeants (CJD) et la Konrad Adenauer Stiftung, sur le thème «Réforme de l’administration : enquête auprès des PME». Les deux organisations ont profité de l’évènement pour présenter les résultats de la 3ème édition de l’enquête annuelle menée auprès des PME tunisiennes par l’institut One to One for Research and Polling pour mesurer la perception et la satisfaction des PME tunisiennes par rapport aux administrations publiques.
Etaient présents également à cet évènement le nouveau ministre de la Fonction publique, de la modernisation de l’administration et des politiques publiques Kamel Morjane, le ministre du Développement, de l’Investissement de la Coopération internationale Zied Laâdheri ainsi que le président de l’Instance tunisienne de l’investissement Khalil Laâbidi.
Ce sondage a été réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 501 PME installées en Tunisie, du 22 octobre au 16 novembre 2018 dans les 24 gouvernorats.
A travers cette enquête, les dirigeants de PME évaluent les administrations publiques sur six critères : satisfaction globale, efficacité, qualité d’accueil, rapidité du service, clarté des procédures et digitalisation.
Il en ressort que 77,2% des PME considèrent que l’administration publique représente un obstacle à leur développement, sachant que 35,1% d’entre elles déclarent que leur chiffre d’affaires a augmenté contre 43,1% qui disent qu’il a régressé. Le top 3 des administrations publiques est : les recettes des finances (63,85/100), le bureau d’emploi (Bnec) (63,81/100) et la Banque centrale (63,79/100). Les 3 administrations publiques classées en dernier sont : le Tribunal de Première Instance (RC), les bureaux des Douanes et les municipalités. Ceci dit, la meilleure évolution a été réalisée par le Tribunal administratif avec +9,04%.
Autre fait alarmant, aucune administration n’a atteint un score satisfaisant. La moyenne globale obtenue est 59,90/100 contre 57,7% un an auparavant, ce qui reste loin de la bonne performance (80 points/100).
En termes de satisfaction globale, la meilleure administration est celle du Bnec qui récolte une note de 24,7% de taux de satisfaction, suivi de l’APII 23,1% puis de l’Innorpi avec 18,2%. En bas du podium, on retrouve la Douane avec 11,3%, la CNSS de 12,5% et les bureaux de contrôle des impôts de 13,1%.
Autre fait grave, 20,9% des PME admettent qu’elles ont été incitées à la corruption lors de certaines opérations (marchés publics, inspection et contrôle, import et export et avoir accès à une prestation de service). Ceci dit, les chiffres sont en baisse nette par rapport à une année auparavant.
S’agissant de ce que doivent entreprendre les administrations publiques pour améliorer leur relation avec les PME, ces dernières considèrent qu’en premier lieu c’est la digitalisation, puis la qualité de la prise en charge et enfin la transparence des procédures.
Lors de son intervention, M. Morjane a estimé que sa présence ainsi que celle de M. Laâdheri reflète l’importance que donne le gouvernement à ce genre d’événement. Il a estimé que cette enquête révèle un fait important, celui de la confiance entre administration et citoyen en général. Il s’est même dit choqué par le fait que près de 8 PME sur 10 considèrent que l’administration publique représente un obstacle à leur développement.
Le ministre de la Fonction publique pense qu’il faut moderniser beaucoup d’aspects de la fonction publique. Sa position personnelle est que les recrutements ne devront plus se faire à vie mais selon les besoins, bien qu’il soit conscient du problème d’ordre social que ceci causera. Il faudrait selon lui une remise en cause des principes et surtout accepter un dialogue entre toutes les parties prenantes notamment les syndicats et les associations.
Zied Laâdheri a, quant à lui, affirmé qu’il y a un manque à gagner important pour les entreprises. En effet, alors que les entreprises dans le monde consacrent à leur administration seulement 13% de leur temps, en Tunisie, ce chiffre passe à 45%. Ainsi, le gouvernement œuvre à la simplification des procédures : on essaye ainsi de faire en sorte qu’aucune administration ne demande un document qui provient d’une autre administration.
Khalil Laâbidi a fait remarquer que selon les chiffres présentés, moins les administrations sont digitalisées plus elles sont mal perçues par les entreprises. Et c’est logique, le processus étant plus long et fastidieux. Il a souligné que le fonctionnaire a les mains liées par les réglementations et la loi. Il en a profité pour annoncer la mise en place d’un système d’information performant dans l’Instance tunisienne de l’investissement qui sera généralisée aux autres administrations notamment à l’APII et l’APIA. Ce système va permettre de simplifier la vie aux investisseurs et leur permettra de s’informer, déposer leur déclaration d’investissement et constituer un dossier juridique à distance et sans se soucier de connaitre les services concernés.
La réforme de l’administration publique est considérée par beaucoup de gens, comme la mère des réformes. En effet, l’administration est souvent pointée du doigt comme étant la cause de plusieurs maux, budgétaire avec le poids de la masse salariale importante (14% du PIB et plus de 600 milles fonctionnaires) mais aussi pour la lourdeur et la complexité de ses procédures. Le service fourni est en deçà des attentes et il est temps de mettre en place les réformes qui s’imposent.